Hommage aux Compagnons

Lou Coumpagnoun dou Tour de Franço au Pont dou Gard

Le Compagnon du Tour de France au pont du Gard.

 » A mon ami et voisin de terre Jean Chabert, de Collias, sous-directeur des Musées de France et Compagnon non moins ardemment dévoué au monument de notre langue qu’aux monuments de pierre ».

Louis Malbos1

Coumpagnoun que de la pèiro           Compagnon qui de la pierre
Fas Mestié, passa Soumeiro              Fais ton métier, ayant franchi Sommières
E Sant Gile en aguènt vist,                 Et à Saint-Gilles ayant visité,
Sus Gardoun espèro veire                  Sur le Gardon, attends-toi à voir
Que la lus amount s’empèire             Que la lumière se pétrifie
Dins d’arcas coume n’i’a gis !              En des grandes arches prodigieuses comme il n’y en a point

De Bèu-Caire, en tirant rego              De Beaucaire, en re dirigeant
Sus Combs fàci à Valabrego,               Sur Comps face à Vallabrègue,
Fai camin ! e tant que n’i’a,                 Fais chemin ! Et, tant qu’il y en a,
De ta cano emé si veto,                        De ta canne avec ses rubans,
Ensaludo à la franqueto                       Salue à la bonne franquette
Mount-frin, mèino e saregna !            Montfrin, puis Meynes, puis Sernhac

Ta coucourdo à la bricolo                     Avec ta gourde en bandoulière,
Coumpagnoun, abrivo e volo !             Compagnon, hâte le pas et vole !

Lèu, ié sian ! Que Sant-Bounet,          Bientôt nous y sommes ! Car de Saint-Bonnet,
De sa gleiso entre dous mourre,         L’église entre deux mamelons,
Fai babau emei sa tourre                     Apparaît subitement avec sa tour
Couronado de merlet.                           De merlons, toute couronnée.

Dóu Gardoun, dintre li pibo,                Du Gardon,à travers les peupliers,
Just se vèi lusi la ribo.                           A peine on voit luire la rive.
Mai, tant-leu que, dóu relarg,              Mais, aussitôt que, de la vallée élargie,
Dins sa gorgo remoulino,                      La rivière tourne dans ses gorges,
Es, de Vès marcant coufino,                 C’est,  de Vers marquant la limite,
L’esplandour dóu Pont dóu Gard !      La splendeur du pont du Gard !

Aro que davans ti ciho                          Maintenant que devant tes yeux
Lou cap-d’obro tèn sesiho,                   Se tient l’immuable chef-d’oeuve,
Coumpagnoun, tène d’à ment              Compagnon, observe bien
La divino architetuira                            La divine architecture
Qu’entre l’omo e la naturo                    Qui, entre l’homme et la nature,
Nouso li quatre Elemen :                       Réunit les quatre éléments :

Dóu ro de la Terra-Maire,                     Du roc de la Terre-mère,
Lou Pont gagno au plen de l’Aire          Le Pont gagne la plénitude de l’Air
‘Mé d’arcèu sèmpre mai larg                 Par des arceaux toujours plus larges ;
Subre l’Aigo courrerello,                        Au-dessus de l’Eau qui court,
De soun arco la mai bello,                      Avec  son arche la plus belle,
Se mira dins lou clar ;                             Il se mire dans la clarté ;

E lou Fiò qu’au souleu boundo,             Et le Feu qui jaillit du soleil,
Engourgant la peiro bloundo                 Saturant la pierre blonde
De long siècle  de dardai,                        De longs siècles de rayons,
Lou Fio sant, de soun empèri,               Le Feu saint, depuis son empire,
Sacraliso la matèri,                                 Sacralise la matière
E dis ome lou travi                                  Et des hommes, le travail.

Coumpagnoun , de tant de Fraire         Compagnon, de tant de Frères
Dóu taiant  e de l’escaire                        Du tranchant et de l’équerre
Qu’an eici clanti si pas,                           Dont ici ont retenti les pas,
Miro pièi lis entaiage                               Maintenant regarde les inscriptions
Que dóu viei Coupagnounage                Qui du vieux Compagnonnage
Soun, de pèiro, lou libras                        Sont , de pierre, le grand livre.

Entre tant e tant d’enciso                       Entre tant et tant de gravures,
Miro, escri sus lis assiso,                         Regarde, inscrit sur les assises,
Coume, fier de si mesté,                         Comment, fiers de leurs métiers,
Di taiant, martèu, escaire,                      Avec leurs tranchants, marteaux, équerres,
Clau e ferre, an, de tout caire,               Clous ou fers-à-chevaux, ils ont, venus de toutes parts,
Blasouna sa « segnouré »                         Blasonné leur « seigneurie ».

Mai que tout, miro la Lèbre,                  Plus que tout, regarde le Lièvre,
L’Arquié mai, que, per councebre         L’Archer aussi, qui, pour concevoir
E just veire, aqueu « Veran »                 Et voir juste, de ce « Véran »
Simbouliso, qu’en belesso                       Est le symbole, qui, guidé par la beauté,
Outenguè de la Divesso                          Obtient de la déesse
Que menèsse tout à-plan.                      Qu’elle menât tout uniment.

Coumpagnoun, perqué la chançon          Compagnon, pourquoi la chance,
Vòu qu’au soum dóu Tour de Franço     Veut qu’au sommet du Tourc de France,
Fugues fàci à tis ancian,                           Tu sois face à tes anciens,
Te counvènt, pèr la replico                      Il t’appartient pour ta réplique,
De flouca la pèiro antico                           De fleurir pierre antique
De la fé dóu tems que sian.                      De la foi de notre temps.

Pamens laisso, i  pielo basso,                    Cependant laisse, aux piles basses,
Lou coumun qu’à ran ié passo,                 Le commun qui y défile pêle-mêle
Encarta vidoun-vidau                               Enregistrer, selon son train journalier,
Escalabro à l’eigadièro                              Sa tournée… L’âme plus fière,
E, s’un cop siés au pus-aut.                      Et tu seras au plus-haut.

T’agrimpant contro lou bàrri,                 T’accrochant contre le rempart,
Ras dóu signe milenari                             A côté du signe millénaire
De la Lèbre, sus lis an,                             Du Lièvre, au-dessus des années,
Tu peréu entaio e planto,                        Toi aussi, en gravant, dresse,
Coupagnoun, lou Gau que canto             Compagnon, le Coq qui chante
Dre vers lou Soulèu levant !                    Droit, vers le soleil levant !

Louis Malbos – 18 de Jun de 1983

Le lièvre du pont du Gard- Gravure phallique romaine chargée d'éloigner le mauvais sort. Voir la légende avancée par Frédéric Mistral

Le lièvre du pont du Gard- Gravure phallique romaine chargée d’éloigner le mauvais sort.
Voir la légende avancée par Frédéric Mistral

Le coq - Signe compagnonnique (Cliché C.L.)

L'inscrption : " VERANIUS"

L’inscrption :  » VERANIUS »

 

 

 

Fer à cheval (jambe postérieure)- Signe compagnonnique

Fer à cheval (jambe postérieure)- Signe compagnonnique

Le coq – Signe compagnonnique (Cliché C.L.)

L’astrado, revue bilingue de Provence, a consacré entièrement son numéro 46 (mai 2011) à Louis Malbos. Ce nom est bien connu de tous les Provençaux qui s’intéressent à la culture, à l’art, à la langue de leur pays, et plus particulièrement des Aixois. Si, en effet, Louis Malbos naquit le 25 novembre 1911 à Marseille, Aix devint, avec Vers, sa véritable patrie dans les années 1930. Auteur d’une thèse sur le triptyque du Buisson ardent, conservé à la cathédrale Saint-Sauveur, professeur durant quelques années, il fut nommé après la dernière guerre adjoint du conservateur de la bibliothèque Méjanes, puis, en 1947, conservateur du musée Granet, fonction qu’il exerça jusqu’à son admission à la retraite, en 1980. Il mourut à l’âge de soixante-douze ans, le 17 mai 1984.[…] Malbos n’était pas en effet qu’un conservateur de musée, il fut également enseignant, poète, et un grand défenseur et illustrateur de la langue et de la culture provençales (en particulier comme âme de l‘Escolo de Lar).

Un article de Max Juvénal, intitulé « La place de Louis Malbos», se termine par ce vœu, que je fais mien: «Quand les Aixois passent par la belle place en esplanade devant Saint-Jean-de-Malte et le musée Granet, ils remarquent qu’elle n’a pas de nom. Tous ceux qui, comme nous, savent la place qu’il occupa à Aix se demandent s’il ne serait pas justifié de l’appeler place Louis-Malbos.»


Jean-Louis Charvet

RETOUR

  1. 1911-1984 []
Ce contenu a été publié dans Culture, Savoir plus. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.